Le manque de formations et de travail dans nos prisons nuit à la réinsertion des détenus!

Sophie Rohonyi (DéFI): Monsieur le ministre, le 6 décembre dernier, avec mes collègues de la commission de la Justice, nous avons visité les trois prisons bruxelloises. Si nous n’avons pu que constater le mauvais état de ces prisons, en particulier celles de Saint-Gilles et Forest, les agents pénitentiaires ont particulièrement insisté sur le manque constant de personnel, couplé aux différentes coupes budgétaires, le tout rendant leurs conditions de travail particulièrement pénibles. Je ne peux donc que saluer le travail de ces agents qui font de leur mieux, avec un grand professionnalisme, malgré le peu de moyens qui leur sont accordés.

Lors de cette visite, j’ai été interpellée par le peu de travail proposé aux détenus.

En effet, s’il est prouvé que le travail permet une meilleure réinsertion des détenus et minimise le risque de récidive, à la prison de Saint-Gilles, seule une vingtaine de prisonniers peuvent travailler sur place, après avoir patienté trois mois en moyenne sur une liste d’attente. De plus, à la différence de la prison pour femmes de Berkendael, aucune formation qualifiante n’est prévue.

D’après mes informations, pour l’ensemble de nos prisons, moins d’un détenu sur deux aurait la possibilité de travailler, ce taux étant particulièrement bas à Forest et Saint-Gilles. Le confirmez-vous?

Quelles sont les raisons qui mènent un détenu à attendre en moyenne trois mois pour obtenir un travail dans l’une des prisons bruxelloises? Est-ce dû à un manque de personnel encadrant ou de locaux adaptés sur place, à la surpopulation, à la vétusté des bâtiments ou encore à l’ensemble de ces facteurs?

Ces listes d’attente existent-elles dans d’autres prisons du pays? Pour quelles raisons?

Quelles mesures ont-elles été prises ou seront-elles prises pour généraliser et diversifier l’offre de travail et de formation dans nos prisons?

Est-il prévu, en concertation avec les entités fédérées qui sont compétentes en matière de formation, de mettre en place des formations qualifiantes et d’assurer la certification des compétences dans toutes nos prisons? Si oui, à quelle échéance?

Êtes-vous favorable à la création d’un droit du travail ad hoc pour les détenus, autrement dit d’un véritable cadre juridique respectueux des droits sociaux fondamentaux, à commencer par des rémunérations correctes et indexées?

Koen Geens, ministre: Madame Rohonyi, pour les sites de Forest et Berkendael, aucun problème ne se pose pour les détenus désireux de travailler. Forest compte 100 détenus travaillant sur 180, aux ailes A et B. À l’aile C, huit détenus travaillent comme servants. À Berkendael, tout détenu souhaitant travailler le peut.

Pour le site de Saint-Gilles, environ 180 détenus ont du travail sur une population de 850. La liste d’attente est principalement due aux possibilités d’emploi restreintes et aux difficultés malheu­reuse­ment rencontrées par la Cellmade, c’est-à-dire la Régie du travail pénitentiaire, à trouver des clients pour l’atelier de Saint-Gilles qui ne s’est pas toujours montré en mesure de livrer des produits finis dans les délais impartis.

De manière générale, des listes d’attente existent dans la majorité des prisons. La demande dépasse l’offre et les infrastructures sont également limitées dans certaines situations. Les nombreux jours de grève ayant entraîné la fermeture des ateliers ces dernières années ont sans doute eu une influence sur l’offre de travail proposée par des externes. Néanmoins, il convient également de tenir compte du fait que certains détenus ne demandent pas à travailler ni à se former.

Il n’y a pas d’échéance quant à la mise en place de formations qualifiantes. Il en existe à Forest qui compte 140 personnes en formation et à Berkendael. C’est évidemment plus compliqué à Saint-Gilles étant donné ses infrastructures et sa population en détention préventive. Il y a en effet un turn over important parmi les détenus et donc des difficultés de s’investir dans une formation qui prend un certain temps.

La Cellmade consent des efforts pour généraliser et diversifier l’offre de travail et celle des formations qualifiantes en prison, en collaboration avec les Communautés. Je partage vos considérations concernant la rémunération qui reste trop faible pour être attractive mais je n’ai pas encore trouvé assez de soutien pour y remédier.

Sophie Rohonyi (DéFI): Monsieur le ministre, merci pour vos réponses. J’entends que le problème qui nous a été soumis lors de nos visites dans les prisons bruxelloises concerne en fait l’ensemble de nos prisons. Nous devons donc tous nous en préoccuper et le prendre à bras-le-corps. En effet, il est inacceptable que ces listes d’attente s’observent dans toutes les prisons et que l’offre ne rencontre pas la demande, alors que l’on sait très bien le rôle que joue cette formation dans l’objectif que nous devons tous poursuivre, à savoir la réinsertion des détenus.

J’entends la difficulté issue du turn over chez les détenus, de par le statut de maison d’arrêt de la prison de Saint-Gilles. Mais cela ne doit pas constituer une excuse pour priver ces détenus de leur droit à la formation, surtout qu’ils sont présumés innocents.

Je tiens par ailleurs à rappeler que ce droit à la formation est un droit fondamental qui est prévu dans la loi Dupont de 2005 et que nous devons absolument le concrétiser. Nous devons atteindre cet objectif. J’entends la volonté que vous exprimez et je vous appelle vraiment, vous et votre successeur, à travailler de concert avec les entités fédérées pour que ce droit soit vraiment pleinement concrétisé dans toutes nos prisons.

https://www.laprovince.be/505589/article/2020-01-21/prison-koen-geens-trouve-le-salaire-des-detenus-trop-faible