Le 19 octobre dernier, le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe a à nouveau épinglé la Flandre dans le cadre d’une recommandation relative «au fonctionnement des organes de démocratie locale dans un contexte de diversité linguistique dans les communes à facilités autour de Bruxelles en Région flamande».
Cette recommandation qui «invite les autorités belges à réviser les modalités d’application des lois linguistiques dans les communes dites « à facilités », afin de permettre l’emploi du français et du néerlandais par les conseillers municipaux, le maire, et les échevins lors des réunions du conseil municipal ou d’autres organes locaux» fait suite à une plainte introduite en mai 2015 par six mandataires locaux DéFI dans les communes à facilités (Paul Cartuyvels, conseiller communal à Kraainem, Grégory Boen, conseiller communal à Drogenbos, Philippe Thiéry, président du CPAS de Linkebeek, Cynthia Kiss, conseillère communale à Wemmel, Cédric Decock, conseiller communal à Rhode-Saint-Genèse, et Marie Paquot, conseillère communale à Wezembeek-Oppem) dénonçant l’impossibilité de pouvoir s’exprimer en français lors de conseils communaux ou de CPAS, de par l’interdiction qui leur est faite par la tutelle flamande.
Le Conseil de l’Europe avait déjà rappelé dans une recommandation de 2008 que cette interprétation flamande entravait la participation des citoyens belges francophones à la vie publique locale, et était contraire à la Charte européenne sur l’autonomie locale, directement applicable en Flandre.
Il fustige à nouveau le Gouvernement flamand estimant qu’ «il est difficile de voir un quelconque changement substantiel dans la situation linguistique des communes de la périphérie, et que les autorités flamandes semblent avoir peu (ou rien) fait pour adapter, interpréter, ou mettre en œuvre le cadre juridique actuel en vue d’améliorer, de favoriser, de faciliter ou de renforcer la participation des habitants ou conseillers locaux francophones lors des séances du conseil communal ou dans d’autres instances participatives».
Cette recommandation est une victoire à plus d’un titre. Le Conseil reconnaît en effet que la situation dans nos communes ne s’est pas améliorée et qu’elle s’est même détériorée, appelant la Flandre à enfin prendre ses responsabilités. Il souligne également que les facilités ne sont pas des faveurs mais des droits et qu’en ne les respectant pas, la Flandre empêche les Francophones de communes à facilités de participer au processus décisionnel local. Or, notre priorité en tant que démocrates fédéralistes, c’est que chaque citoyen, indépendamment de sa langue, puisse être acteur des décisions qui le concerne au premier chef.”
Sans surprise, la Ministre flamande de l’Intérieur (N-VA) a rapidement réagi en annonçant qu’elle ne prendrait pas en compte cette recommandation en ce que le Conseil de l’Europe n’a pas à se prononcer sur des questions linguistiques que le programme de la délégation n’était pas équilibré.
Cet argument est complètement fallacieux puisque ce n’est pas sous l’angle linguistique que le Conseil s’est penché sur la situation des communes à facilités mais sous l’angle de la démocratie locale qui doit par essence être représentative et respecter le suffrage universel. La Charte de l’autonomie locale prévoit en effet le droit des citoyens à pouvoir participer à la vie politique locale. Or, on ne peut pas dire que la démocratie locale soit respectée quand les citoyens – alors qu’ils sont majoritaires dans leur commune – ne comprennent pas les décisions qui les concerne et que leur choix exprimé au suffrage universel aux élections n’est pas respecté.
Quant à l’équilibre de la délégation, la procédure était tout à fait contradictoire. Tant les plaignants, les 6 mandataires DéFI des 6 commune à facilités à l’origine de la plainte, M. Thierry et Mme Homans ont pu être entendus.
Cette affaire est en tout cas révélatrice
- d’un problème propre à la NVA qui refuse de se remettre en question à la lumière de décisions de justice ou de recommandations d’instances internationales. Ce qui est particulièrement choquant quand cette attitude vient d’une Ministre de l’Intérieur dont la fonction première est (doit être) de garantir le respect des lois ET leur conformité avec le droit international.
- de la grande hypocrisie de notre pays et singulièrement de la Flandre par rapport au respect des droits de l’homme. On s’offusque par exemple de l’attitude du gvt espagnol à l’égard de la minorité catalane mais quand des discriminations linguistiques ou des entraves à la démocratie locale ont lieu dans notre propre pays et à quelques km de la capitale de l’Europe, on ne dit rien, on minimise! çà n’est pas normal!
Aujourd’hui, nous sommes en mesure de demander à la Flandre qu’elle respecte la jurisprudence de la Cour constitutionnelle ET du Conseil d’Etat qui prévoient cette exonération, sans que la loi ne doive être modifiée. Nous le demanderons dans dans tous nos conseils communaux (où les conseillers francophones sont majoritaires), obligeant les autres partis à également s’impliquer. Car n’est pas tout de s’offusquer de la situation, de dire que c’est “triste”. Il faut agir et cela aura évidemment plus de poids si on le fait tous ensemble!
Retrouvez ici mon interview à ce sujet sur Vivacité, ainsi que mon intervention dans la presse: