Les engagements du nouveau gouvernement libanais ne peuvent être de la poudre aux yeux!

Depuis cinq mois, des centaines de milliers de Libanais réclament le départ de la classe politique libanaise qu’elle accuse d’être corrompue.

Entre-temps, un nouveau gouvernement a été formé et a annoncé un plan de lutte contre la corruption. Ce gouvernement a par ailleurs annoncé son ambition de trouver des solutions à la grave crise économique qui se profile.
Mais les Libanais ne sont pas dupes, puisque certains membres de ce nouveau gouvernement sont issus de l’ancien.
J’ai donc interrogé le Ministre des Affaires étrangères sur les mesures structurelles qu’entend mettre en place ce gouvernement pour regagner la confiance des Libanais mais aussi demandé des explications quant aux violences policières commises ces dernières semaines à l’encontre des manifestants.

Philippe Goffin, ministre: Ma visite au Levant s’est ponctuée par un court passage à Beyrouth, où j’ai rencontré le premier ministre Hassane Diab et le ministre des Affaires étrangères Nassif Hitti, tous deux en fonction depuis quelques semaines seulement.

Le premier ministre M. Diab m’a expliqué que la priorité de son nouveau gouvernement sera de regagner la confiance de la population libanaise ainsi que de trouver des solutions à la crise financière actuelle. Sa déclaration de gouverne­ment a du reste été approuvée par le Conseil des ministres le lendemain de ma visite. Quelques jours plus tard, le gouvernement a reçu la confiance du Parlement.

Une feuille de route a été élaborée visant à annuler les décisions problématiques du passé, avec des actions concrètes et un calendrier précis de mise en œuvre à court, moyen et long terme. La lutte contre la corruption et la récupération des fonds publics détournés figure en tête des priorités du gouvernement libanais au cours des cent prochains jours.

Ce gouvernement semble prendre au sérieux les intentions de la Conférence économique pour le développement de 2018, notamment le train de réformes qui avait été proposé. À ce titre, un comité interministériel chargé de la mise en œuvre du programme “Cèdre” a été mis en place.

Pour ma part, j’ai vivement encouragé la mise en œuvre de réformes structurelles, sujet qui était aussi au cœur de mon entretien avec le ministre des Affaires étrangères. Lors de contacts bilatéraux à différents niveaux, nous avons déjà insisté sur l’importance de rester à l’écoute des revendications de la population, de protéger la liberté d’expression et d’agir contre la corruption.

Notre pays, en tant qu’État membre de l’Union européenne, soutient sans réserve les déclarations des 11 décembre et 12 février derniers faites par le Groupe international de soutien au Liban, auquel participe l’Union euro­péenne, qui appelle à un retour à la stabilité et au respect du droit de manifester pacifiquement.

Cette demande de respect du droit de manifester pacifiquement faisait partie d’une déclaration conjointe le 30 octobre dernier de la déclaration de l’Union européenne à Beyrouth et des ambassadeurs de l’Union européenne. La nécessité du respect de l’État de droit et du bon fonctionnement de la justice sont, en outre, soulignés dans l’accord d’association entre l’Union européenne et le Liban.

Je vous signale, enfin, que mon administration s’est entretenue à ce sujet avec l’ambassadeur libanais, le 11 février dernier. Au cours de l’entretien, nous avons sollicité davantage d’explications sur les actions violentes de certains services de sécurité libanais.

Sophie Rohonyi (DéFI): Monsieur le ministre, merci pour votre exposé très éclairant sur la visite que vous avez menée au Moyen-Orient.

Je vous avais adressé une question plus spécifique sur le Liban car je suis très inquiète par rapport à la situation politique là-bas, quand bien même un nouveau gouvernement aurait été formé. Je me permettrai de rebondir également sur d’autres questions qui vous ont été adressées en ce qui concerne la situation des Foreign Terrorist Fighters et de leurs enfants.

En ce qui concerne le Liban, vous avez rappelé, déjà en commission du 21 janvier dernier, que la priorité de ce nouveau gouvernement est de regagner la confiance des Libanais qui étaient très mécontents de la situation politique jusqu’alors. Ce gouvernement a l’ambition de trouver des solutions à la grave crise économique qui se profile au Liban. J’entends également que ce gouvernement a pour ambition d’endiguer la corruption qui sévit dans le pays et que par conséquent, un plan serait mis en place pour les cent prochains jours.

Mais les Libanais ne sont pas dupes. Ils savent très bien que certains membres de ce nouveau gouvernement sont issus de l’ancien. Par conséquent, c’est toujours la même classe dirigeante qui est au pouvoir alors que c’est cette classe dirigeante qui est décriée par les manifestants dans les rues de Beyrouth.

En ce qui concerne le plan contre la corruption, c’est très bien mais je pense qu’il est trop optimiste d’affirmer qu’en cent jours, un plan contre la corruption pourra être mis en place pour endiguer une corruption qui sévit depuis bien longtemps.

Dès lors, quelles sont les mesures structurelles annoncées par le nouveau gouvernement libanais dans le cadre de ce nouveau plan contre la corruption?

En la matière, quelles sont les mesures struc­turelles proposées par le nouveau gouvernement libanais dans le cadre de ce nouveau plan contre la corruption. Il est de notre devoir de nous assurer que ce plan ne soit pas de la poudre aux yeux.

Eu égard à la situation politique au Liban, vous évoquiez un entretien que vous auriez eu avec l’ambassadeur libanais à Bruxelles le 11 février. Lors de cet entretien, vous auriez sollicité des explications quant aux actions violentes qui ont lieu dans les rues de Beyrouth, notamment à l’encontre de manifestants qui faisaient usage de leur droit légitime de manifester. Ces actions ont été décriées notamment par Amnesty Inter­national, qui parlait d’attaque inquiétante contre la liberté de réunion et d’association.

Là aussi, vous dites avoir sollicité des explications, mais vous ne les donnez pas. Quelles explications vous ont-elles été donnée par cet ambassadeur? Une enquête est-elle en cours sur les violences qui ont eu lieu? Sommes-nous aujourd’hui capables de déterminer s’il s’agit de bavures commises par certains policiers ou s’il y a eu, en amont, un mot d’ordre venant des autorités et incitant les forces de police à empêcher ces manifestations? Dans ce cas, la situation serait assez grave. Je ne sais pas s’il existe au Liban l’équivalent d’un comité P tel que nous en avons un en Belgique. Je souhaitais des clarifications sur ces sujets.

Philippe Goffin, ministre: Ce pays est, pour le moment, conscient qu’il faut passer à l’action. Pendant le temps qui nous a été donné, je n’ai pas eu l’occasion d’entendre tout le plan de remise en route de l’économie libanaise mais l’expression était double. Les Libanais nous ont dit, d’une part, “oui, nous sommes conscients que nous devons faire des efforts, nous avons un plan dans ce sens et depuis lors, un gouvernement a été validé” et, d’autre part, “ne nous laissez pas tomber parce que nous sommes un élément de stabilité dans la région”. Ils demandent un véritable dialogue avec les autorités européennes.

 Lorsqu’un pays est confronté à des décisions difficiles et impopulaires, il faut être conscient que celles-ci peuvent provoquer des basculements. Sans vouloir s’exonérer de la nécessité de poser des actes – il y a des déclarations et, ensuite, il y aura des actes –, il faudra qu’au moment venu, notre pays, en particulier, et l’Union européenne, en général, soient aussi au rendez-vous afin de conserver ce lien fort avec le Liban qui nous semble important.

Sophie Rohonyi (DéFI): Monsieur le ministre, je vous remercie pour vos réponses.

 Beaucoup de questions ont été abordées, même si certaines d’entre elles n’ont pas reçu de réponse. C’est pourquoi j’aimerais obtenir quelques compléments d’information quant à vos échanges avec l’ambassadeur libanais, relatifs aux éventuelles bavures policières commises dans les rues de Beyrouth à l’encontre de manifestants qui s’opposaient alors au régime en place – quand bien même un nouveau gouvernement est entré en fonction entre-temps.

Philippe Goffin, ministre: Madame Rohonyi, concernant les violences faites au Liban, je n’ai pas personnellement reçu l’ambassadeur libanais, mais les services de l’administration. Je ne vous dirai pas que j’ai la réponse, mais je ne manquerai pas de vous la fournir ce qui évitera d’être approximatif et de ne pas apporter de réponse concrète.