Question parlementaire sur le service minimum garanti dans les prisons

Sophie Rohonyi (DéFI): Madame la présidente, monsieur le ministre, comme je l’ai déjà évoqué lors de mes précédentes questions sur le sujet, nous avons été plusieurs membres de la commission de la Justice à visiter les prisons bruxelloises de Forest, Saint-Gilles et Berkendael. Lors de nos visites, de nombreux agents pénitentiaires nous ont interpellés non seulement sur leurs conditions de travail impactées, notamment, par le manque chronique de personnel, mais aussi sur leurs inquiétudes quant à la mise en place de ce service minimum garanti en cas de grève, et ce, alors que ce droit de grève permet de dénoncer ces conditions de travail.

Toutefois, lors du vote de la loi du 14 mars 2019, nous avons été clairs à ce sujet: mon groupe soutient la mise en place de ce service minimum parce qu’il permet d’assurer les droits élémentaires des personnes, a fortiori en prison, où les détenus sont entièrement dépendants des agents pénitentiaires.

Il n’en demeure pas moins qu’il s’agit ici d’une limite au droit fondamental qu’est le droit de grève et que, par conséquent, l’instauration de ce service minimum garanti doit se faire de manière pleinement concertée avec les personnes concernées, à savoir les agents. C’est d’ailleurs précisé dans le libellé de la loi susmentionnée. Or, nous avons appris par le biais de la presse votre choix d’arrêter unilatéralement les négociations syndicales en cours.

Monsieur le ministre, ces négociations ont-elles bien été arrêtées et pour quelles raisons? Quel est le pourcentage de personnel requis en cas de service minimum? Les syndicats évoquent le chiffre de 70 % tandis que vous évoqueriez le chiffre de 55 %. Sur quelle base ce pourcentage a-t-il été arrêté? Comment les agents en sous-effectif chronique depuis de nombreuses années vont-ils pouvoir prendre leurs jours de congé s’ils sont réquisitionnés dans le cadre de ce service minimum? Qu’avez-vous mis en place dans le but d’assurer le recrutement d’agents supplémen­taires, objet principal des revendications des agents?

Réponse du Ministre: https://www.lachambre.be/doc/CCRI/html/55/ic099x.html

Sophie Rohonyi (DéFI): Monsieur le ministre, merci pour vos éclaircissements, notamment quant à la procédure de négociation avec les syndicats. J’entends effectivement que des informations parfois erronées ont circulé. Mais de deux choses l’une. Ce que je ne remets pas du tout en cause, c’est la loi en tant que telle. Nous l’avons votée; en tout cas mon groupe l’a votée. Ce qui me pose problème, ce sont les modalités d’application.

J’entends que les syndicats ne sont pas toujours venus à la table des négociations, mais il faut aussi se demander pourquoi. Je pense que ce qui les pousse à faire valoir leur droit de grève, ce sont leurs conditions de travail. C’est aussi une manière pour eux de dénoncer ces conditions de travail.

Je pense que ce qu’ils regrettent aussi, c’est l’absence de concertation sur du long terme avec vous, en se disant: pourquoi y aurait-il une concertation constructive avec vous au moment où il y aurait un conflit social, comme le prévoit la loi, si déjà au moment de déterminer les modalités de concertation en amont, cette concertation n’a pas lieu?

Je voulais revenir sur ce manque d’effectifs, parce que c’est ce point qui est dénoncé par les syndicats et qui fait que ce droit de grève doit pouvoir avoir lieu dans le même temps que le service minimum. Vous évoquez un remplissage des cadres à 96 %. S’agit-il vraiment de l’ensemble des prisons? Le chiffre que vous avez avancé est une moyenne. Je pense qu’il faut pouvoir évaluer véritablement les besoins en personnel dans l’ensemble des établissements pénitentiaires, quitte à revoir justement ce cadre. Se retrancher derrière ce cadre qui serait rempli à 96 %, ce n’est pas ainsi que nous allons pouvoir véritablement répondre aux mauvaises conditions de travail des agents.

Par ailleurs, vous évoquez la difficulté, qui serait indépendante de votre bon vouloir, de recruter de nouveaux agents. Là aussi, il faut se demander pourquoi. Pourquoi ces personnes seraient-elles plus intéressées de travailler dans le privé que dans les prisons? De nouveau, c’est en raison des mauvaises conditions de travail et du manque de personnel. Tant que nous n’aurons pas cette réflexion à long terme sur le cadre réellement requis dans les prisons et par, notamment, la surpopulation carcérale, le serpent continuera de se mordre la queue.