Discriminations à l’embauche: Le gouvernement bruxellois montre le chemin au fédéral

En Belgique, le droit au travail est un droit fondamental inscrit dans notre Constitution.

Et pourtant, le taux d’emploi diffère sensiblement selon certains paramètres: l’âge, le handicap, le sexe, mais aussi et surtout l’origine.

Le taux d’emploi des personnes d’origine belge est ainsi de plus de 70 %, alors qu’il est inférieur à 35% pour les étrangers. A Bruxelles, le taux de chômage est de 10% pour la population d’origine belge, alors qu’il atteint 30% pour celle d’origine étrangère.

Face à ce constat, des mesures visant à promouvoir la diversité et à lutter contre les discriminations en matière d’emploi s’imposent d’urgence. C’est ce qu’a compris Didier Gosuin, notre Ministre bruxellois de l’Emploi, en adoptant un plan d’action de dix mesures fortes et inédites.

Parmi ces mesures, celle de permettre à  l’Inspection bruxelloise de l’Emploi de mobiliser des tests de situation ainsi que des appels mystère pour mieux contrôler et sanctionner les entreprises discriminantes.

Ce vendredi 13 octobre, le projet d’ordonnance du Ministre Gosuin destiné à mettre en oeuvre ces mesures a été adopté au Parlement bruxellois. Seul le MR a voté contre.

Un vote qui démontre la position schizophrénique du MR dans ce dossier.

Au niveau régional bruxellois, où le MR est dans l’opposition, le MR considère que ces mesures vont trop loin en ce qu’elles toucheraient à la liberté d’appréciation des employeurs. Elle seraient ‘inutiles”.

Au niveau fédéral, où le MR est dans la majorité, le Ministre fédéral de l’Emploi Kris Peeters travaille sur un projet de loi visant à modifier le Code pénal social pour légaliser ces mêmes mesures, et ce conformément à l’accord du gouvernement.

On comprend tout de suite mieux pourquoi le projet du fédéral se fait tant attendre…

Les tests de situation et les “mystery calls” sont pourtant d’une utilité politique et juridico-pratique évidente.

Au delà de la réalité des chiffres relatifs à la discrimination à l’embauche, le gouvernement fédéral a été invité en juillet 2015, par le Parlement fédéral, à faire de la lutte contre toutes les formes de discrimination sur le marché du travail une priorité et à prendre les mesures adéquates pour lutter contre le faible taux d’activité de certains groupes à risques sur le marché du travail, en partant du constat que “c’est une responsabilité partagée d’offrir l’égalité des chances, mais aussi de les saisir”.

Le gouvernement fédéral s’est également engagé à adapter la loi sur la base du rapport rendu par la commission fédérale d’évaluation des lois anti-discriminations de 2007. Or, que recommande notamment ce rapport? Il demande d’attribuer à l’inspection du travail une compétence légale expresse de réaliser des contrôles ciblés de respect de la législation antidiscriminatoire par le biais de la méthode des “tests de situation” ou de “clients mystère” (mystery calls) mais aussi de faire de l’usage ces tests des moyens de preuve valables dans le cadre d’une action en justice pour discrimination.

La procédure prévue par le gouvernement bruxellois et qui devrait inspirer le gouvernement fédéral est très stricte.

Les tests de discrimination ne pourront en effet avoir un caractère provoquant et devront se borner à reproduire une situation normale d’embauche ou d’emploi.

L’inspecteur du travail ne recevra en outre une habilitation du gouvernement pour procéder à ces mystery calls et tests de situation que s’il y a une présomption suffisante qu’une entreprise organise consciemment les discriminations (signalement, analyse de données sectorielles…) ou suite à des plaintes. Dans ces cas seulement, et si les tests s’avèrent positifs, il s’ensuit une audition et un pv sera remis à l’auditorat du travail qui décidera ou non d’instruire le dossier. La palette de mesures est donc progressive et peut consister en un renvoi du dossier vers le pouvoir judiciaire, un rappel à la loi ou encore des amendes administratives. Il s’agit enfin d’une mesure subsidiaire, ciblée et de dernier recours.

Les tests de situation ne feront pas disparaître d’un coup de baguette magique les difficultés d’accès à l’emploi de certaines catégories de notre population.

Nos efforts doivent également viser la gratuité et la qualité de notre enseignement, la revalorisation de l’enseignement technique et professionnel, la maîtrise des langues nationales, le développement de la formation qualifiante…

Les tests de situation constituent toutefois un stimulant pour la diversité en entreprise et permettent d’aider les victimes de discriminations dans leurs démarches pour faire valoir leurs droits mais aussi leur compétence, leur mérite, et leur motivation à travailler, autrement dit à contribuer à notre société.

Laisser un commentaire