A la veille de la Journée mondiale contre le racisme et toutes les formes de discrimination, mes colistiers et moi-même souhaitions réagir concernant les rapports de l’ONU et du Conseil de l’Europe sur l’état de la lutte contre ces discriminations en Belgique.
Ces rapports, publiés fin février, ont été relayés par la presse dans tous ses aspects à l’exception du volet « discriminations linguistiques ». Cette omission n’a pas manqué de nous étonner compte tenu des discriminations observées en périphérie. Celles-ci sont en effet dénoncées depuis des années par les institutions internationales, sans jamais la moindre réponse de nos autorités.
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« Vous avez dit égaux? »
« Les Belges sont égaux devant la loi », voici le premier article de la Constitution qui n’a pas manqué de marquer notre conception de la citoyenneté. Ce principe, censé guider les politiques dans tous les domaines, est renforcé par l’engagement de notre pays à respecter les traités internationaux en matière de lutte contre le racisme et toutes autres formes de discrimination.
Fin février, la presse révélait pourtant les rapports – accablants – de l’ONU et du Conseil de l’Europe concernant la lutte contre le racisme et l’intolérance en Belgique. Deux rapports qui n’ont certes aucun effet juridique direct, mais qui doivent nous pousser à poser les bonnes questions. Le principe d’exécution de bonne foi des traités impose en effet à la Belgique de répondre dès que faire se peut à ces recommandations et par conséquent d’y donner une suite politique.
La presse a eu raison de relayer les manquements pointés du doigt dans ces rapports. Le bilan est mi-figue, mi-raisin : si d’énormes progrès ont été constatés, en matière d’homophobie par exemple, les violences et discriminations à l’égard des étrangers semblent avoir été oubliées, les lois anti-discrimination n’ont toujours pas été évaluées…
Un point pourtant important ne figure dans aucun article : les discriminations basées sur la langue.
La situation est pourtant inédite : notre législation interdit les discriminations sur la base de toute une série de critères, en ce compris la langue. Mais malgré tout, la langue est le seul motif de discrimination qui ne fait pas partie des compétences du Centre pour l’égalité des chances. Alors que ce dernier vient d’être réformé, le Conseil de l’Europe parle d’occasion manquée, exhortant les autorités belges à désigner ou à mettre rapidement en place l’organe compétent pour les discriminations fondées sur la langue. De même, l’ONU encourage la Belgique à adopter des mesures destinées à promouvoir et faciliter la préservation et le développement des cultures et langues des groupes migrants établies sur son territoire.
Le contexte communautaire particulier de la Belgique fait qu’omettre de telles recommandations a de quoi étonner. Car si la politique du respect des minorités reste à améliorer à l’échelle fédérale, elle doit encore l’être bien davantage à l’échelle régionale flamande. Le principe « un territoire, une culture, une langue » gagne en effet de plus en plus de terrain, au détriment d’une société basée sur le respect des différences, encourageant le vivre-ensemble et l’émancipation de tous.
Si ces rapports ne citent pas expressément les problèmes rencontrés en périphérie, il est clair que ces recommandations s’y appliquent, tout comme s’y appliquent expressément les cinq recommandations adressées par le Conseil de l’Europe à la Belgique de ratifier la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales. Comment ne pas penser aux clubs sportifs, aux crèches, aux écoles, aux bibliothèques menacées de fermeture parce que faisant usage d’une autre langue que celle de la Région où ils sont établis? Aux candidats propriétaires que la Région flamande prétendait évincer parce que provenant d’une autre Région?
Les Nations-Unies, jugeant à ce point graves les excès commis par la Région flamande en périphérie, se sont déjà dites préoccupées, par deux fois, par le fait que « l’accès à certains droits prévus par le Pacte des droits économiques, sociaux et culturels puisse être entravé du fait de décisions prises par certaines autorités communales en Flandre, notamment en ce qui concerne l’achat de terrains communaux, l’accès à des services et au logement, la jouissance de certaines prestations sociales ainsi que l’exercice du droit d’être élu exigeant la connaissance ou l’apprentissage du néerlandais, et créant ainsi une discrimination à l’égard d’autres catégories de la population » !
La méconnaissance de traités internationaux ne justifierait-elle donc pas un éclairage médiatique ?
Ou devrait-on au contraire fermer les yeux sur de telles discriminations ?
Le principe d’égalité des Belges devant la loi nous autoriserait-il à accepter une société repliée sur elle-même, avec des citoyens de seconde zone, sur la seule base de leurs origines, de leur langue, de leur histoire ?
Ne pas dénoncer ce qui est une forme de racisme, c’est déjà l’accepter !
Eric Libert, échevin à Rhode-Saint-Genèse et 1er suppléant FDF à la Chambre
Cédric De Cock, conseiller communal à Rhode-Saint-Genèse et 14è effectif FDF à la Chambre
Sophie Rohonyi, vice-présidente des Jeunes FDF de Rhode-Saint-Genèse et 6è effective FDF à la Chambre
Nicolas Harmel, président des FDF d’Ixelles et 9è effectif FDF à la Chambre