Ce 28 septembre, c’est la Journée internationale pour le droit à l’avortement. Une campagne de sensibilisation au combien nécessaire ! Pourquoi ?
Voici maintenant plus de 24 ans que l’avortement a été dépénalisé en Belgique, permettant aux femmes de disposer de leur corps et d’interrompre leur grossesse non-désirée dans des conditions médicales optimales. Pour les femmes de ma génération, l’accès à l’avortement est donc acquis.
Pourtant, actuellement, ce droit n’a jamais fait l’objet d’attaques aussi virulentes, de manière indirecte ou directe.
Chez nous, les anti-choix multiplient les sites de désinformation et manifestent devant les centres de planning familial, avec pour objectifs clairs d’intimider, de dissuader et d’insulter les femmes qui s’y rendent pour interrompre leur grossesse. De manière plus subtile, des textes législatifs ont tenté de reconnaitre un statut juridique au fœtus.
Dans le reste du monde, cet été 2014 illustre tristement les attaques quotidiennes des dits « pro-vie » à l’encontre du droit à l’IVG. Aux Etats-Unis, les Etats du Sud menacent les cliniques de fermeture, idem au Québec. En Suisse, ou encore en Espagne, des projets de loi ont tenté de restreindre le droit à l’IVG aux seuls cas de viol ou de grave danger pour la santé de la femme enceinte. En Irlande, une femme, SDF et suicidaire, s’est vue forcée à accoucher. En France, 92 sénateurs UMP se sont opposés à la suppression de la notion de détresse dans la loi, refusant que l’IVG ne soit pas un droit à part entière plutôt qu’une tolérance assortie de conditions.
Le but de cette journée du 28 septembre est ainsi de promouvoir l’accès universel à l’avortement sécurisé et légal en tant qu’enjeu de santé des femmes et de droits humains. Elle met également en lumière la nécessité de soutenir l’autonomie des femmes à prendre leurs propres décisions et à avoir accès à des moyens d’agir sur ces décisions sans risque pour leur santé et leur vie.
La vie, c’est de çà dont il s’agit. Car ceux qui se disent « pro-vie » omettent de préciser qu’interdire l’IVG ne diminue en rien le nombre d’avortements, bien au contraire. Comme le précise l’OMS (1), les deux régions réputées les plus «restrictives», l’Afrique et l’Amérique latine, affichent des taux d’avortement beaucoup plus élevés (de 29 et 32 pour 1000 femmes en âge de procréer) qu’en Europe de l’Ouest où les IVG sont généralement légales (12 pour 1000). Toujours selon l’OMS, la moitié des avortements dans le monde sont provoqués dans des conditions non sûres et dans un contexte social et légal hostile. Ces avortements clandestins provoquent tous les ans la mort d’environ 47 000 femmes des suites d’infections, d’hémorragies, de blessures utérines et des effets toxiques des agents censés provoquer un avortement.
La plupart du temps, les femmes sans ressources et confrontées à une grossesse non désirée provoquent elles-mêmes leur avortement ou vont consulter une personne sans formation médicale, mettant ainsi leur santé en danger et augmentant le risque d’hospitalisation suite aux complications.
Toutes les 9 minutes, une femme meurt des suites d’un avortement illégal et dangereux. Ces avortements pratiqués dans de mauvaises conditions médicales et d’hygiène sont responsables de 13% de la mortalité maternelle dans le monde.
Est-ce cela, être « pour la vie » ?!
Défendre le droit à l’avortement ne consiste pas seulement à faire échec à ses opposants. Cela consiste aussi et surtout à vouloir mieux comprendre et soigner les femmes confrontées à une grossesse non désirée, dans un but de santé publique et dans le respect de cette décision qui n’appartient qu’à elles, et à elles seules.
Le Conseil de l’Europe a d’ailleurs réaffirmé « le droit de tout être humain, en particulier des femmes, au respect de son intégrité physique et à la libre disposition de son corps. » (2) De même, la Cour européenne a précisé que « dans les législations régissant l’IVG, l’enfant à naitre n’est pas considéré comme une personne directement bénéficiaire de l’article 2 de la Convention. » (3) « Son droit à la vie, s’il existe, se trouve implicitement limité par les droits et intérêts de sa mère. » (4)
L’ONU a quant à elle rappelé que « les droits de la femme incluent le droit d’avoir le contrôle et de décider de manière libre et responsable de sa sexualité, de sa santé sexuelle et reproductive, sans pressions, discriminations et violences » (5) et que « les Nations devaient garantir, pour toutes les femmes et les filles, un droit d’accès à l’avortement, considéré comme faisant partie de leurs droits de l’homme. » (6) L’ONU estime ainsi que l’IVG est un droit de l’Homme en raison du lien entre l’accès à l’IVG et le standard le plus élevé de santé physique et mentale.
Reconnu comme droit de l’homme à part entière par les institutions internationales, l’avortement est donc défendu par de nombreuses associations. Pour exemple, La Ligue des droits de l’Homme est signataire de la Charte de la Plateforme « AbortionRight ».
Malgré tout, parler d’avortement redevient peu à peu un tabou.
En conséquence, il est désormais urgent, en Belgique :
– de garantir un accès aisé et anonyme à l’IVG pour toutes les filles et femmes,
– de rendre effectifs les cours d’éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle dans les écoles,
– d’augmenter l’accessibilité de la contraception ;
– d’inscrire dans le cursus universitaire de tous les étudiants en médecine une formation à l’IVG ;
– de poser, 30 ans après la mort de Willy Peers, des gestes forts pour faire connaître le combat de cet homme dont le courage a permis de mettre en lumière la nécessité de dépénaliser l’avortement en Belgique.
(1) http://www.who.int/reproductivehealth/publications/unsafe_abortion/fr/
(2) Résolution de 2008 de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.
(3) CEDH, arrêt du 8 juillet 2004, affaire Vo c. France, n°53924/00, §80.
(4) Idem.
(5) Programme d’action de Beijing de 1995.
(6) Rapport du Comité des droits de l’Homme de l’ONU du 3 août 2011.