L’an dernier, la France adoptait le mariage pour tous, une loi accouchée dans la douleur vu la virulence des propos homophobes de ses détracteurs. Dix ans plus tôt, la Belgique réglait déjà cette question, faisant de la Belgique le 2è pays européen le plus actif dans la défense des droits des homosexuels, selon le dernier rapport d’ILGA-Europe.
Cependant, des interrogations restent sans réponses, faisant de l’homosexualité une sexualité encore et toujours marginalisée. Profitons donc du climat serein propice au règlement de questions éthiques en Belgique pour aborder les nouvelles problématiques liées aux discriminations entre gays et hétéros.
Les jeunes et l’identité sexuelle
Si l’homosexualité est investie en politique, elle reste taboue dans la société, surtout auprès des jeunes. Leur perception de ce que doit être la sexualité est biaisée, coincés entre une pornographie omniprésente et des valeurs culturelles et religieuses parfois très conservatrices. Il était donc temps, en 2012, d’inscrire l’éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle (EVRAS) dans les missions de l’enseignement en Fédération Wallonie-Bruxelles. [1]. Cette mission permet d’informer les jeunes, avant même qu’ils ne soient sexuellement actifs, sur la manière de protéger leur santé, de poser des choix responsables. L’école donne ainsi à TOUS les jeunes les armes pour atteindre un bien-être physique, mental et social. Elle peut enfin promouvoir le respect des différentes sexualités, le développement d’une identité sexuelle propre à chacun, dans un lieu de vie tolérant, ouvert et respectueux. Reste aujourd’hui à concrétiser cette éducation en impliquant les professionnels de terrain et en offrant une formation spécifique pour les futurs enseignants.
L’adoption, un droit effectif ?
En matière de mariage homosexuel, la Belgique a été l’un des pays précurseurs. En 2006, elle a modifié sa législation concernant l’adoption afin de permettre aux personnes de même sexe d’adopter des enfants, mettant ainsi tous les couples – hétérosexuels et homosexuels- sur un pied d’égalité. Cependant, dans la pratique, la question est loin d’être réglée et les couples homosexuels sont trop souvent discriminés! La procédure est très stricte et les organismes d’adoption refusent systématiquement les adoptions par les parents de même sexe. En sept ans, seules cinq adoptions ont pu se concrétiser et encore, il s’agissait d’adoptions intrafamiliales. Sur le plan international, la situation n’est guère plus satisfaisante. De nombreux pays refusent encore ou ne reconnaissent pas l’adoption par des couples de même sexe, et cela même en dépit des accords conclus avec notre pays. Le constat est implacable : les couples d’homosexuels ne pourront être des parents comme les autres que lorsque les mentalités des pays dont nous dépendons pour l’adoption auront réellement évolué.
Gaybashing, un phénomène laissé sans réponses
L’homosexualité reste tabou, voire source de violences, d’injures, d’harcèlements, ce que l’on appelle le “gaybashing”. Comme pour le viol, le nombre de plaintes reste très en deçà du nombre d’agressions. En effet, nombreuses sont les victimes renonçant à signaler ces faits par sentiment de honte, de culpabilité, parce qu’elles n’ont pas encore fait leur coming-out, parce qu’elles pensent que le traitement policier est déficient ou que les comportements homophobes font tout simplement partie de la vie! Pourtant, notre Code pénal qualifie de circonstances aggravantes les motivations homophobes des délits d’atteintes aux personnes. Un phénomène doublement punissable en ce qu’il atteint non seulement l’individu au cœur de son identité, mais également l’ensemble du groupe qui partage cette caractéristique. Les Pays-Bas ont ainsi instauré en 2011 la possibilité de déclarer les violences homophobes sous le couvert de l’anonymat , un exemple qui pourrait nous inspirer.
Journée mondiale de lutte contre l’homophobie
En conclusion, ce 17 mai, Journée mondiale de lutte contre l’homophobie, doit être l’occasion de nous rappeler les combats qu’il reste à mener en Belgique et dans le monde. Chez nous, en plus d’appliquer la loi pénale, de concrétiser l’éducation sexuelle, de faciliter l’accès à l’adoption, il convient de régler des situations problématiques telles que l’absence de filiation juridique pour les co-parents, l’impossibilité pour les homosexuels de donner leur sang ou encore le vide juridique entourant la gestation pour autrui. Rappelons-nous également que septante-sept États pénalisent encore l’homosexualité par de la prison, de la torture, des travaux forcés, voire la peine de mort. On le voit, le respect des droits des LGBT dépend, en plus d’une évolution des mœurs en phase avec leur temps, d’une réelle volonté politique.
C’est pourquoi les FDF revendiquent:
– l’application de la loi pénale sur les violences et discriminations homophobes ;
– la possibilité pour les homosexuels de donner leur sang ;
– la concrétisation de l’éducation sexuelle dans les écoles pour aborder les problématiques de l’homophobie et de la transphobie ;
– la mise en œuvre des principes de Yogyakarta sur l’application des droits humains en matière d’orientation sexuelle et d’identité de genre ;
– l’accès effectif à l’adoption pour les couples homosexuels ;
– la désignation tant au sein des polices locales que des parquets d’une personne de référence chargée des questions d’homophobie/transphobie ;
– la mise en place d’outils permettant de collecter des données sur l’intolérance et la discrimination fondées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre et de les analyser.
Retrouvez l’article complet co-signé avec Déborah Lorenzino dans le MAGenta (magazine des Jeunes FDF) du mois de mai 2014.
Sources:
http://www.lavenir.net/article/detail.aspx?articleid=DMF20140513_00475743
Décret de la Fédération Wallonie-Bruxelles du 24 juillet 1997 définissant les missions prioritaires de l’enseignement fondamental et de l’enseignement secondaire tel que modifié par le décret du 12 juillet modifiant diverses dispositions en matière d’enseignement obligatoire, M.B., 30 août 2012.
Loi du 18 mai 2006 modifiant certaines dispositions du Code civil en vue de permettre l’adoption par des personnes de même sexe, M.B., 20 juin 2006.
Mélodie TAISNE, « Les gays belges ne peuvent pas adopter », La Dernière Heure, 30 mai 2013, http://www.dhnet.be/actu/belgique/les-gays-belges-ne-peuvent-pas-adopter…
Proposition de résolution relative à l’instauration de la plainte anonyme en cas de violence homophobe, déposée le 30 mars par M. Mathias De Clercq et Mme Lieve Wierinck, Chambre des représentants, Doc. 53- 2136/001.
http://www.openvld.be/?type=nieuws&id=1&pageid=48030
http://www.liberation.fr/monde/2013/04/23/mariage-homosexuel-quels-autre…