Sophie Rohonyi (DéFI): Monsieur le président, madame la ministre, je vous ai déjà interrogée sur ce rapport du KCE, qui recommande la fermeture de 17 maternités. Je vous interroge parce que le secteur demeure très inquiet de même que les femmes qui seront impactées. Ce rapport menace donc une maternité sur quatre en Wallonie et une sur six en Flandre.
Madame la ministre, pourquoi cette différence? Le KCE a-t-il tenu compte de la réalité de la Wallonie, qui est un territoire particulièrement dense et, pourtant, mal desservi en transports en commun? Vous connaissez la réalité de la clef de répartition 60/40 au niveau de la SNCB, par exemple. A-t-il tenu compte des chiffres de l’Observatoire de la santé du Hainaut, qui témoigne des inégalités, en termes de santé, et qui rendent, par exemple, les maternités de Lobbes et Auvelais particulièrement essentielles, afin précisément de ne pas accentuer davantage ces inégalités? A-t-il tenu compte du fait que, depuis 2016, au moment où les chiffres qui ont servi à l’étude ont été publiés, certaines maternités ont dû fermer? C’est le cas de la maternité de Vésale à Montigny-le-Tilleul, qui a fermé ses portes en août 2019? A-t-il également tenu compte du nombre d’accouchements, mais aussi du nombre de consultations pré- et post-natales et des suivis de grossesses à risques?
J’aimerais également vous reposer les questions, auxquelles je n’ai pas pu obtenir de réponses lors de la séance plénière du 16 janvier dernier.
En ce qui concernait l’encadrement du personnel des maternités qui seront supprimées, vous vous êtes engagée en séance plénière à mener un dialogue pour cela et j’en suis très heureuse, sauf que vous avez aussitôt précisé que les hôpitaux et les réseaux hospitaliers devraient aussi jouer un rôle. Il en découle que vous renvoyez la balle aux hôpitaux, alors que le suivi de ce personnel, qui n’a rien demandé à personne, relève de votre responsabilité. Je voulais donc connaître la part du rôle que vous estimez devoir être joué par ces hôpitaux dans la réorientation du personnel plutôt que par vos services.
Je voulais également savoir comment vous comptez assurer le recrutement de nouvelles sages-femmes, sachant que ce secteur est désormais clairement ciblé par vos mesures d’économies. Comment comptez-vous respecter leur vocation? Le rapport du KCE souligne, par exemple, que les sages-femmes pourraient se voir offrir une formation complémentaire vers la pratique infirmière de même que davantage de sages-femmes seront nécessaires en dehors des hôpitaux pour les soins post-nataux à domicile, par exemple; en précisant que cette plus grande autonomie nécessitera, toutefois, d’élargir leur formation.
Il en découle que l’on attend, désormais, des sages-femmes qu’elles puissent se reconvertir vers d’autres professions ou qu’elles puissent suivre une formation plus longue et plus poussée. Cela pose non seulement la question du respect de leur vocation, mais aussi la question de savoir si les entités fédérées, compétentes en matière d’enseignement, ont été consultées par rapport à cette question. Quelle est leur position aujourd’hui?
Enfin, pouvez-vous nous garantir que le seuil minimum d’accouchements ne sera plus revu à la hausse, dans quelques années, menaçant de nouvelles maternités de fermeture? Dans les pays européens pris en exemple par le KCE, et par vous-même dans certaines interviews qui ont suivi, le seuil n’est pas de 600 accouchements par an, comme proposé aujourd’hui, mais de 1 000. En réponse à nos questions en séance plénière du 16 janvier, vous avez justement admis que certains ont souligné la nécessité de rehausser le seuil jusqu’à 900, voire 1 000 accouchements par an.
Réponses de la Ministre: https://www.lachambre.be/doc/CCRI/pdf/55/ic096.pdf
Sophie Rohonyi (DéFI): Merci, madame la ministre, pour vos réponses, même si elles me laissent complètement sur ma faim, comme mes collègues, et à l’instar des questions que je vous ai adressées en séance plénière. Que les choses soient claires: nous ne remettons pas du tout en cause l’indépendance du KCE. Nous remettons en cause les éléments qui ont servi à établir cette étude, et leur caractère incomplet. Entre-temps, des maternités ont dû fermer. Les maternités n’ont pas uniquement comme devoir de gérer des accouchements, mais aussi des suivis pré et post-natals. Elles jouent aussi un rôle dans la détection de maladies chez le nourrisson. Ce suivi nécessite une certaine proximité qui serait mise à mal avec la fermeture de ces maternités. Il n’est pas du tout question de réagir sous le coup de l’émotion, mais d’être réaliste et pragmatique. C’est notre rôle.
Je regrette également que vous soyez favorable à cette fermeture sur la base de cette étude avant même que l’on ait pu obtenir des garanties réelles, notamment quant à la reconversion des sages-femmes vers d’autres professions. Par conséquent, leur vocation ne sera pas respectée. Vous laissez les réseaux hospitaliers gérer seuls ces réorientations et je trouve cela particulièrement injuste. Quant à l’argument qui consiste à dire que nous n’avons pas à nous plaindre parce que la situation serait plus grave en France, je ne pense pas que dire que le pire existe ailleurs soit un argument. En France, j’observe qu’il faut parfois plus d’une heure de trajet pour aller accoucher. Comme je l’ai dit, cela pose de vrais problèmes d’accessibilité. En vingt ans, la moitié des maternités ont dû fermer en France. De plus, je pense qu’il ne faut pas comparer des pommes et de poires. En France, cette politique de fermeture massive des maternités a eu lieu pour viser le seuil de 300 accouchements par an. Nous ne poursuivions pas du tout la même logique en Belgique.
Je me permets aussi de vous lancer un appel. Vous soulignez très justement le rôle du KCE dans l’établissement d’études objectives. Je vous propose de solliciter une autre étude, qui serait plus large et qui viserait notre politique des naissances. En effet, aujourd’hui, si des économies peuvent être réalisées, ce n’est pas nécessairement sur l’existence de ces maternités en tant que telles, mais sur des pratiques, notamment sur les césariennes qui coûtent très cher à la sécurité sociale et qui ne sont pas toujours forcément justifiées.
La fermeture de ces maternités va priver ces femmes du droit de choisir vers quel type d’institution se diriger, lorsque la grossesse n’est pas à risque. Cela pose un vrai problème et nécessite une vraie réflexion. Vous pourriez la mener avec le KCE.